Sylvain ROCHE
Né en 1983 en France. Vit à Paris, France.
La peinture de Sylvain Roche est abstraite, mais avec des oiseaux. C’est une peinture abstraite mais non abstraite. Ses oiseaux mêlés de feuilles et d’huile demeurent absents : ils manifestent leur présence et leur inexistence, ils sont des motifs empruntés au monde pour dire que le monde est abstrait et que l’abstraction n’existe pas, que la peinture renvoie au monde qui est abstrait sans l’être. Les oiseaux sont des gestes suspendus, des prétextes. Ils sont les faux-fuyants de la peinture, leur subterfuge, leur paravent, ils en sont aussi l’argument et le germe. Sans oiseau, il n’y a pas de tableau, pas de corps pour ces peintures posées sur la branche d’une abstraction surplombée par le ciel et les nuées. Les oiseaux posent, chutent, se dérobent au regard dans une impossible identification. Nous n’y verrons pas d’étourneaux, de moineaux, de rouges-gorges, de sittelles ou de merles mais des gestes volatiles en suspens, des formes virevoltantes et anachroniques. Les oiseaux sont aux aguets de la peinture de Pierre Bonnard, de Giorgio Morandi ou de Pierre Tal-Coat. Plus encore, ils sont tombés du nid de Carel Fabritius et de son Chardonneret (1654), des peintures murales de la villa des Vettii à Pompéi au Ier siècle ou, plus anciennement, des fresques étrusques de la Tombe de la chasse et de la pêche des nécropoles de Monterozzi au VIe siècle av. J.-C. Sylvain Roche ne peint pas devant les oiseaux, ne prend pas les oiseaux comme modèles. S’ils sont les motifs de la peinture, ils sont surtout l’émotif de la peinture, purs mobiles pour le plaisir de tableaux dont les formats modestes exaltent de beauté et de contemplation en affirmant l’acte de peindre comme monde à part entière. C’est une peinture abstraite mais une peinture sensible, une peinture abstraite nourrie de poésie autant qu’elle se réfère à l’art du passé. Les peintres admirés se sont fondus comme le font les oiseaux dans les taillis et les branches, dans un murmure1.
Jean-Charles Vergne
1– Le murmure est le regroupement de centaines d’oiseaux formant
dans le ciel un nuage dans un mouvement coordonné.