Walter SWENNEN
Né en Belgique en 1948 - Vit en Belgique
On dit de Water Swennen qu’il aurait été poète avant d’être peintre, ce qui le relierait, comme artiste belge, à cet autre poète plasticien qu’était Marcel Broodthaers – avec lequel il avait été ami – et à un usage particulier du langage – on retrouve cette idée dans de nombreux comptes rendus sur les expositions de l’artiste. Sans doute et peut-être mais s’il fallait l’inscrire dans un champ, ce ne serait sûrement pas celui de la poésie – à moins d’aller du côté de celle de Louis Scutenaire, autre compatriote fameux – et s’il fallait lui trouver des antécédents, ce serait plutôt, belgitude oblige, du côté de la « Période vache » de René Magritte qu’il vaudrait mieux aller voir car, comme dans les trop rarement montrées peintures de cette série, on y retrouve apparemment une figuration idiote pleine d’images improbables et imbéciles traitées avec la plus grande désinvolture ou dans le plaisir le plus jubilatoire du mauvais goût affirmé recherchant le ratage absolu du mal léché étudié. Et s’il n’était pas belge, sans doute le comparerait-on à Sigmar Polke ou à Carlos Kusnir – mais il est belge et bruxellois ce qui oriente sans doute les lectures.
Donc, reprenons, Walter Swennen est un peintre belge qui a peint sur tous les supports possibles et imaginables, toutes les images possibles ou toutes les non images possibles – puisque l’on peut considérer que certaines des peintures sont abstraites même si un doute persiste comme dans le cas de l’œuvre qui est dans la collection du FRAC Auvergne – et ses différentes œuvres sont peintes sans style caractéristique, sans rien qui permette d’identifier la main ou la patte de l’artiste – on peut même dire que cette hétérogénéité manuelle est savamment entretenue car il est difficile après plus de 25 ans de peinture de ne pas avoir de tics ou un semblant de style – et le résultat est souvent – mais pas tout le temps – humoristique et souvent – mais pas uniquement – dérisoire par la pauvreté – relative – du dessin et le caractère caricaturale de la figuration – quand elle est présente – et passant allégrement de la haute culture aux sous-produits de celle de masse.
C’est donc dit, mais il faut se méfier des apparences. Ainsi, une déclaration ancienne de l’artiste étonne : « Le problème de l’image, c’est qu’il faut en trouver une qui parle à chacun, moi compris et qui soit suffisamment neutre. Ce sont des représentations qui se trouvent dans une sorte de zone frontière entre l’image intime et l’image publique1. » C’est-à-dire, pour paraphraser, que l’image ne doit rien dire en elle-même, qu’elle doit être indifférente et non symbolique – non fermée. Mais on peut également étendre ce questionnement à la facture, celle-ci doit être impassible, ne rien dire de l’artiste et de son ego et ne rien trahir d’une quelconque position sur le monde et son état.
Donc, reprenons, les peintures de Swennen posent des strates d’images à la fois collectives et intimes qui accolées ensemble deviennent impénétrables et qui peintes dans un non style ne peuvent être rabattues à une esthétique privilégiée. Ou : la peinture de Swennen oscille entre le sublime et le ridicule, entre les effets les plus somptueux et leur mise en crise implacable sans qu’il soit possible de dire ce qui vraiment l’emporte, sauf à ne voir que le ridicule, ce que les critiques font le plus souvent : « Quelqu’un qui écrit des poèmes n’est pas un journaliste. La confusion est toujours présente, et cette même confusion se retrouve dans le rapport à la peinture2 », rappelle l’artiste. Ainsi, Cailloux (blanc), peut être envisagé comme une représentation de cailloux simplifiés, dont certains auraient été recouverts ou comme une peinture abstraite expressionniste aux repentirs gestuels ou comme un ratage progressif – puisque cette toile s’inscrit dans une série de trois peintures qui voient disparaître le motif – ou comme une peinture où s’affronterait la dualité d’un tracé avec la subtilité d’un rapport entre des taches à la limite du perceptible ou comme une figuration enfantine taclant le bon goût potentiel des regardeurs ou comme tout cela à la fois et plus encore.
Éric Suchère
1 Cité par Pierre Sterckx dans « La peinture, les images selon René Magritte et Walter Swennen », dans Artstudio n° 18, Images du Nord, automne 1990, p. 116-118.
2 Ibid.
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