Marie VOIGNIER

Née en France en 1974 - Vit en France

«Est-ce une conséquence de la chute du Mur de Berlin ? En tout cas, ils sont arrivés quelques années après, par milliers, d’Europe de l’Est. Depuis, ce coin paisible de Bretagne est devenu un nouveau Vietnam : ils tiennent le ciel et les paysans se terrent. Comme le bétail. […] Les pouvoirs publics les ont abandonnés. Les armes chimiques sont interdites, les coups de feu inoffensifs, rien n’est autorisé, tout est inefficace : le mal ne fait que se déplacer».
C’est ainsi que Yann Lardeau présentait le film de Marie Voignier dans le programme du festival Cinéma du Réel en 2007 au cours duquel cette œuvre reçu le Prix du Court-Métrage, la plaçant immédiatement sous le signe de l’ambivalence. En effet, Le Bruit du canon est incontestablement ambigu dès ses premières scènes, succession de témoignages de paysans bretons fustigeant l’arrivée massive d’une population étrangère devenue indélogeable et incontrôlable. Les termes sont lourds de sens, le vocabulaire particulièrement direct et imprégné des relents nauséabonds de la xénophobie. Pourtant, il ne s’agit pas d’immigration mais d’une véritable plaie naturelle qui, chaque année, entre octobre et mars, s’abat sur la région de Locarn en Bretagne sous la forme d’une nuée de 500 000 étourneaux qui dévastent les cultures et pillent les exploitations agricoles. Les agriculteurs ont tout essayé pour lutter contre ce fléau. Ils nous racontent leurs diverses tentatives, plus ou moins légales, plus ou moins réussies, pour chasser plus loin les oiseaux ou pour les tuer. Marie Voignier rend sensible la complexité de l’histoire en s’interdisant toute explication causale unilatérale. […] Il
faut ainsi de longues minutes pour comprendre que le motif du Bruit du canon réside dans l’invasion d’étourneaux […] d’autant que les mots employés par les paysans du coin – “population”, “souci”, “gazer”, “ramasser”, etc. – peuvent nous égarer un instant et entrer en écho avec une sombre histoire, sinon une sinistre actualité sur les politiques d’immigration. […] Les premiers plans fixes d’étourneaux révèlent progressivement la menace qu’ils représentent pour les habitants, créant un étonnant rapprochement avec le célèbre montage d’images qui précède l’attaque de l’école dans Les Oiseaux d’Hitchcock.

Dork Zabunyan
(in «Les cartographies de l’indécidable», Marie Voignier, Editions Adera, 2011, n.p.)

Le Bruit du canon a obtenu le Prix Qualité du CNC en 2008.