James WELLING
Né aux États-Unis en 1951 - Vit aux États-Unis
Après un bref passage par la sculpture et la vidéo, James Welling a orienté son travail dans le champ photographique, pratiquant toutes les techniques – de la photographie argentique au film polaroid en passant par le cliché-verre – et tous les genres – de la photographie documentaire à la photographie la plus abstraite en passant par le paysage. Avec onze œuvres issues de la donation de Marc et Anne-Marie Robelin, extraites de cinq séries différentes, le FRAC Auvergne possède un panorama d’une grande richesse du travail de cet artiste.
Les séries des Aluminium Foils (papiers d’aluminium) et des Drapes (drapés) sont parfaitement contemporaines (1980-1981). Les Aluminium Foils sont des photographies de feuilles d’aluminium pliées et froissées saisies en gros plan dans une vision presque macroscopique. Il en existe 36 images. Elles se présentent autant comme une étude documentaire de surfaces que comme une analogie de paysage – et l’on songera presque à un paysage lunaire. La photographie est, ici, autant un index fidèle de la réalité qu’un espace métaphorique qui permet la rêverie, autant une surface luxueuse dans ses effets que la reproduction d’un matériau populaire et, finalement, assez pauvre que la représentation – et le tirage – transfigure, autant conceptuelles – dans l’idée et le caractère processuel – que sensuelles – et l’on pourrait penser à ces antécédents que sont les Texturologies (1956-1958) et Matériologies (1959) de Jean Dubuffet. Les Drapes sont des arrangements, des compositions, faits de manière hasardeuse lors de performances – c’est le terme utilisé par l’artiste – non publiques. Ces drapés que l’on pourrait croire inspirés de la peinture classique ne se constituent pas comme une référence ou une citation mais constituent une surface comparables aux froissements des feuilles d’aluminium mais d’une nature différente – le plissé – où, comme dans la série précédente, l’échelle nous échappe et, surtout, dans lequel l’espace est bouché, fermé, obturé rendant la photographie impénétrable, empêchant sa profondeur, son ouverture en tant qu’image. L’image est autant devant, dans le drapé, que dans ce qu’il cache et nous est caché. Rien ne se révèle du sens de l’image sinon une vague théâtralité dans l’analogie possible avec le rideau de scène et la nature de l’image demeure assez mystérieuse notamment l’opposition entre le drapé et le poudroiement blanc (floculation, neige, cendres, bouts de papiers, tessons…?) qui est autant un contraste de valeur, qu’un contraste entre le poids et la légèreté, qu’une partie de l’image luttant pour ne pas disparaître sous l’autre.
Au milieu des années 1980, James Welling s’est intéressé à l’abstraction des images photographiques soit par modification de la composition chimique (série des Gelatine), soit par des procédés plus classiques tels que les photogrammes (série des Tile), tout comme il s’est intéressé à la capacité de faire des images sans l’aide du boitier photographique et c’est – sans aucun doute – à partir de cela qu’il a produit la série de peintures intitulée sobrement Paintings (1986-1987). L’artiste a insisté sur la parenté entre les deux types d’œuvres : « Je travaillais presque comme je le faisais dans la chambre noire quand je faisais mes photogrammes¹ » et le rapport est évident aussi bien dans le vocabulaire géométrique (des losanges dans les Tiles et des cercles dans Paintings) que dans le très fort contraste entre le fond et la forme. Le procédé pictural est, d’ailleurs, celui d’un report par contour et masquage comme l’est littéralement un photogramme² puisque les peintures sont produites par une forme circulaire lui servant de modèle et dont il a cerné le contour, ce qui lui a donné des zones, des surfaces, qu’il a simplement peintes en noir. Cette série est le point radical dans la disparition de l’image aussitôt contrebalancée par son retour dans les somptueux Polaroid Drapes (1988) et dans les photographies plus économes et documentaires des bâtiments (Buildings of H. H. Richardson, 1988-1994) ou dans la série des photographies de lignes ferroviaires (Railroad Photographs, 1987-2000). Les deux dernières œuvres de la collection du FRAC Auvergne, Cornerstone, Immanuel Baptist Church (tiré de la série Buildings of H. H. Richardson) et Wolfsburg: Pressenstrasse (tiré d’une série de photographies de l’usine Volkswagen à Wolfsburg, 1994) appartiennent à cette veine documentaire faisant l’archivage d’un patrimoine urbain et industriel. Mais l’on peut les lire également comme des photographies sociales – témoignant du déclin d’une certaine idée du capitalisme – ou comme des photographies formelles – dans géométrie très forte de la structure architecturale. Dans ce dernier cas, il n’y aurait pas d’antagonisme entre les photographies et les photogrammes, entre une pratique « abstraite » et une autre « documentaire ». La question n’est d’ailleurs pas celle de l’appartenance à un champ ou à un autre, ni de la définition d’un registre, mais de penser par l’absence de style, d’effet de signature, par la diversité des sujets, des thématiques et des processus, tous les écarts possibles dans le visible.
Éric Suchère
1- James Crump, « Ventriloquisms, The Art of James Welling », dans James Welling, Monograph, Aperture, New York, 2014, p. 70.
2- Un photogramme fait apparaître la forme parce que celle-ci cache la surface photosensible.