Gernot WIELAND

Né en 1968 en Autriche. Vit à Berlin.

Ink in Milk dépeint en 12 minutes le déroulement d’une vie : à l’aide de croquis, dessins, de peintures à l’encre, de séquences d’images, d’animations de pâte à modeler et de sculptures, Gernot Wieland raconte son enfance dans un village autrichien, réfléchissant sur l’altérité, la honte, les ruines cachées de la psyché et la relation entre réalité, vérité et langage. Le film fait état de l’équilibre fragile de l’enfance face à la psychologie physique du pouvoir et de la dépendance.

Ink in Milk commence par l’image d’un liquide sombre tourbillonnant dans un évier tandis que Gernot Wieland raconte l’histoire d’un de ses meilleurs amis, un garçon venu à l’école, âgé de onze ans, portant du rouge à lèvres, du fard à paupières et du vernis à ongles. L’enseignante l’a inscrit sur sa liste habituelle de « perdants », forcés d’enrouler autour de leur tête une serviette pleine de poudre de craie du tableau noir et de s’asseoir face à son placard. « La façon dont nous plaçons nos corps les uns par rapport aux autres est le début de la politique », dit Gernot Wieland. Le narrateur se rend dans un autre village où une personne, connue uniquement sous le nom d’« oncle », convainc tout le monde de soulager leurs peines et leurs peurs en mimant la structure géométrique du cristal associée à leurs conditions psychiques. La pratique devient si absorbante que les villageois arrêtent de travailler, le bétail s’enfuit et la nature reconquiert toutes les habitations…

Ink in Milk a reçu le prix EMAF European Media Art de la critique cinématographique allemande (VDFK) en 2019 et des mentions spéciales au 36th International Short Film Festival de Hamburg, 2019. Il a remporté le Main Award au Kinodot Film Festival à Saint-Pétersbourg, Russie, 2020. Il a été présenté à Videonale, Kunstmuseum Bonn, 2021; Kunst Halle Sankt Gallen, 2020; Salzburger Kunstverein, Salzbourg, 2020; The Law is a White Dog, Festival des arts visuels TULCA, 2020, Galway; Festival du film de Kinodot, Saint-Pétersbourg, 2020; 12×12, IBB Video Space à la Berlinische Galerie, Berlin, 2020; Videoart at Midnight, Berlin, 2020; 15e IndieLisboa – Festival international du film indépendant, Lisbonne, Portugal; EMAF – Festival européen des arts médiatiques, Osnabrück, 2019; 36e Festival du film Kurz, Hambourg; Galerie Belmacz, Londres; 2019; Monitoring – Exhibition for Time-Based Media Art, Kasseler Kunstverein, Kassel, 2018 et à Shame, Künstlerhaus Bremen, 2018.

Au film Ink in Milk sont associées des impressions montrant des images extraites du film ou bien intégrées au film, puisque celui-ci est une composition de différents formats d’images, y compris photographiques. Les trois photographies intitulées Fear of Happiness, Fear of Being Around People et Fear of Memory, sont des formes de cristaux identifiés pour chaque type de peur, que les protagonistes du film doivent imiter par des mouvements de leur corps pour tenter de les chasser. Ces exutoires géométriques ne sont pas sans rappeler la découverte de la géométrie du théoricien anthroposophe autrichien Rudolf Steiner alors enfant, et qui va bousculer sa conception d’un monde psychique : « Je sais que c’est par la géométrie que j’ai connu le bonheur pour la première fois. L’idée que l’âme pouvait ressentir des formes issues d’une contemplation purement intérieure sans avoir besoin de recourir à l’expérience sensible me procura une très grande satisfaction. Je crois voir, dans mes rapports avec la géométrie, le premier germe d’une conception qui s’est peu à peu développée en moi. Pour moi, les pensées n’étaient pas simplement des images que l’homme se fait des choses, mais j’y voyais des manifestations d’un monde spirituel au sein de cet espace psychique. …. Etant enfant, je ressentais bien, sans pourtant parvenir à le formuler clairement, que la connaissance du monde spirituel s’acquiert de la même façon que la géométrie ».

Le travail de Gernot Wieland, sous la forme de performances, d’installations vidéos mixant des dispositifs de présentation avec du mobilier, des livres, des objets de la vie quotidienne, est surtout axé sur la production de films. Il aborde des questions souvent universelles (le langage, la religion, l’occupation de territoires à travers les siècles, la guerre, le genre…) par le biais de la psychologie humaine, entre psychanalyse, récit historique et expérience personnelle vécue, souvent enfant. La domination, la dépendance, le contrôle sont les notions les plus développées dans ces histoires racontées à la première personne et déclamées en voix off, par l’artiste lui-même.

Aurélie Voltz