Stephen WILKS
Né en Grande-Bretagne en 1964 - Vit en Allemagne
Sculpteur, dessinateur, photographe et, d’une certaine manière, performer, la pratique de Stephen Wilks est protéiforme dans les médiums et hétérogène dans ses propositions. Très formel dans ses céramiques (une superbe tortue), il peut être plus social (comme dans sa rivière de bouteille qui peut faire écho à la crise des migrants), ou sembler plus parodique avec ses sculptures animalières mises en situation dans l’espace urbain sous des formes carnavalesques, plus expressionniste dans ses dessins (comme dans la série Toten Tanz) et beaucoup plus tendre dans les photographies où un âne en tissu grandeur nature est transporté d’un endroit à un autre (sur le sol d’un musée ou sur les épaules d’une figure au bord d’un lac). Ses photographies sont à l’image de l’ensemble du travail offrant différentes polarités mais dans une grande homogénéité formelle.
Étranger au champ référentiel de la photographie et de son histoire, Stephen Wilks se sert de ce médium comme un outil d’enregistrement lui permettant de produire des images. Les sujets qu’il photographie sont assez ordinaires : des scènes de rue (un étal de marchand, un homme qui passe) ou d’intérieur (une lampe et son interrupteur, un lit dans une pièce), des portraits frontaux d’anonymes, de simples objets (une fourchette, un rouleau de papier toilette, des brûleurs au gaz, un hamac entre deux arbres), des paysages (des arbres, un vol d’oiseaux, des vues architecturales). Ses photographies semblent assez classiques par leur composition et sont traitées avec un très grand soin formel dans le choix de la lumière, dans la qualité de la couleur ou du tirage. Elles semblent osciller entre la photographie sociale – comme deux des photographies du FRAC Auvergne, celle représentant le quartier populaire de Kreuzberg à Berlin et celle montrant la femme au manteau de fourrure dans le Musée de Pergame, toujours à Berlin –, mais elles peuvent sortir de ce registre et se définir comme de simples moments humoristiques ou des scènes intrigantes, des « moments » formels où l’étrangeté d’une scène banale apparaît par un cadre, un détail (comme dans les deux autres photographies appartenant au FRAC Auvergne). Ni ironiques, ni dramatiques, ni simplement formelles, ni totalement documentaires, ces œuvres évitent toutes catégorisations critiques pour saisir ce qui nous entoure dans des images qui sont à la fois froides (aucun lyrisme ne se manifeste dans la prise de vue) et sensibles (par la qualité des sujets photographiés).
Éric Suchère