Mette WINCKELMANN

Née au Danemark en 1971 – Vit au Danemark

Dans ses oeuvres, Mette Winckelmann mêle abstraction et art conceptuel tout en posant les fondements d’une réflexion basée sur la différenciation entre une conception féminine de l’art et son pendant masculin. Le point de départ réside de dans les codes picturaux de la tradition moderniste au sein de laquelle la peinture abstraite est souvent associée avec un système sémantique masculin, ou tout du moins élaboré par des artistes qui généralement sont des hommes. Le travail de Mette Winckelmann consiste à détourner ces codes en les infléchissant continuellement par l’emploi de techniques traditionnellement associées à la féminité comme la couture et le patchwork ou en s’appuyant sur des références exclusivement féminines au sein desquelles l’œuvre de Sonia Delaunay occupe une place importante pour l’artiste Danoise. Il s’agit donc de tester la résistance possible de deux types de sphères constituées par les représentations caricaturales de ce que serait, d’une part, un art dit « masculin », et de ce que devrait être, d’autre part, un art « féminin ». A la différence d’une autre artiste comme Ghada Amer qui, justement, joue à outrance d’une codification féminine – voire féministe – de la création artistique pour affirmer une position sur la condition de la femme, l’œuvre de Mette Winckelmann procède d’une friction entre les supposées syntaxes masculine et féminine, allant parfois jusqu’à leur destruction respective. Il s’agit donc dans ses peintures et dans les patchworks abstraits qu’elle réalise de mettre à mal la notion de « genre », au sens où l’entendent les « gender studies » enseignées dans les universités qui, d’une certaines manière, contribuent à la permanence de communautarismes divers et variés.
Derrière l’emploi de l’abstraction, l’œuvre de Mette Winckelmann a pour objet de politiser des sujets comme la notion de genre (masculin/féminin), d’identité, de nationalité, de normes. L’abstraction est ici à envisager comme moyen d’expression destiné à couvrir un large champ de réflexion sur ces différents sujets. Les peintures, collages de tissus, patchworks, toiles libres, dessins, photographies, livres, journaux, ready-mades… qu’elle présente le plus souvent dans de grandes installations élargissent la manière dont la peinture abstraite peut être envisagée et comprise. Si la première approche de son travail peut laisser croire qu’elle se positionne dans un hommage rendu à la peinture moderniste abstraite, il faut en réalité y percevoir une entreprise destinée à remettre en question les conventions culturelles qui, unilatéralement, ont posé les définitions de ce qui doit être considéré comme masculin et de ce qui appartient à la sphère féminine.

Jean-Charles Vergne