MIRYAM HADDAD « Là-bas sur le ciel d’orage »

Du 2 octobre 2021 au 31 décembre 2021

« Les peintures et les aquarelles de Miryam Haddad semblent n’entretenir qu’une relation lointaine avec le monde, tant dans les sujets et les motifs fascinants dont elles sont peuplées que dans la manière dont différentes sources de lumières les traversent de part en part selon des intensités et des orientations contradictoires. Si les bêtes qui en habitent parfois la surface sont identifiables dans leur appartenance à telle ou telle espèce – baleines, chiens, hérons, aigles, crocodiles… –, l’étrange environnement qui les accueille en infléchit le réalisme pour les baigner d’une aura dont la magnitude onirique est portée par un champ chromatique puissamment contrasté. Dans cet univers dont les territoires n’appartiennent à rien de connu se mêlent les réalités vacillantes du conte et de la croyance, du mythe et des récits archaïques du Moyen-Orient. Un lion se mue en une sphinge à la placidité menaçante ; un héron se dresse, solennel, dans un paysage de chaos crépusculaire ; un crocodile gueule béante fraye parmi les ruines d’un temple antédiluvien ; un cétacé échoué sous l’arc lumineux d’un monde kaléidoscopique révèle la mixtion impure d’une eau lourde et de l’éclat voilé d’incises iridescentes réfractées par le prisme d’un monde retranché. Les ruines hiératiques, les autels fissurés, les mausolées en déréliction, les fontaines psychopompes de quelque rite oublié sont les architectures1 de ces paysages fantastiques dont l’apparition irréelle tient de l’épiphanie mais d’une épiphanie troublée par les forces conjointes d’une persistance du divin et de son inéluctable pulvérisation. Nous sommes invités à contempler les restes d’un entre-monde encore grouillant de vie, parcouru par une énergie vitale explosive mais simultanément soumis aux feux de lumières qui, telles les flèches stigmatisant Saint-Sébastien, en transpercent le corps de toute part depuis des dimensions a priori incommensurables. Si les pigments nimbent la surface d’une lumière naturelle intense, une autre source – irréelle – point néanmoins depuis l’horizon diffus des tableaux, projetée depuis l’envers des peintures par une série d’ajours pratiqués comme au scalpel dans la matière picturale. à ces deux incidences lumineuses étrangères l’une à l’autre s’ajoutent des motifs symboliquement liés à la pulsation photonique : ellipses chromatiques intenses, aplats circulaires en forme de disques ou d’astres, masses magmatiques en couleur pleine – oranges éblouissants ou jaunes saturés – qui scandent la surface des œuvres et en fixent les dimensions spatiales surnaturelles. Nous contemplons les étendues d’un entre-monde habité d’une énergie primordiale, un entre-monde parcouru de landes foudroyées et de cieux embrasés, un entre-monde dont l’espace en apparence infini se replie pourtant en une surface à deux dimensions. Sa profondeur provient de l’arrière du tableau – au-delà même de l’œuvre –, par ces ajours irradiants qui éclairent, tels des oculi de cathédrales, cet univers intérieur où semble s’épancher une vie antérieure. »

Jean-Charles Vergne, extrait de « Les lumières et le limbe »
Catalogue de l’exposition. Editions FRAC Auvergne, 2021

En collaboration avec Le Printemps de septembre qui exposera l’artiste au musée des Abattoirs à Toulouse [17.09.21 – 17.10.21] 

Voir le reportage consacré à Miryam Haddad

Retrouvez des ressources complémentaires autour de l’exposition de Miryam Haddad

Autres expositions cette même année

Le portrait n'existe pas

Grange de Mai - Saint-Saturnin

Pour sa nouvelle collaboration avec le festival biennal Les Jours de Lumière, le FRAC Auvergne présente une riche sélection d’oeuvres en écho à la thématique retenue pour cette 12ème édition, « Visages & Paysages ». Si le portrait et le paysage ont longtemps constitué des genres à part entière dans la hiérarchie en vigueur jusqu’au XIXe siècle, le rapprochement de ces deux sujets, dans le contexte de cette exposition, permet de mettre en évidence les rapports de réciprocité qui lient étroitement l’homme et son environnement.
L’exposition Le portrait n’existe pas nous met ainsi en présence de figures humaines qui ne sont jamais envisagées seules mais s’inscrivent d’emblée dans un paysage, réel ou suggéré, attestant que l’homme n’existe pas en lui-même mais bien dans, avec et par son environnement.
Aux côtés des représentations métaphoriques de Gerald Petit et de Daniel Tremblay dans lesquelles visages et paysages se confondent, chaque portrait présent dans cette exposition révèle en creux un certain nombre d’enjeux sociétaux, politiques, environnementaux… Les artistes contemporains s’affranchissent des codes classiques du portrait pour faire émerger des réalités sociales bien spécifiques (Pierre Gonnord), redonner une dimension humaine aux grands conflits contemporains (Yuri Kozyrev, Seamus Murphy) ou encore amener à une réflexion
sur les conséquences du progrès scientifique (Andreas Eriksson, Aziz+Cucher). C’est en ce sens qu’il est possible d’affirmer que le portrait, en tant que genre artistique, « n’existe pas » puisqu’il dépasse aujourd’hui volontiers la traduction fidèle des traits d’un visage pour servir de support à des recherches plus vastes.

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Une exposition imaginée par le FRAC Auvergne pour le Musée Mobile

Allier - Puy-de-Dôme - Cantal - Haute-Loire

L’art n’a aucune fonction, l’art ne «sert» à rien et n’a rien d’autre à nous communiquer que les signes qui émanent des œuvres comme autant de vibrations sensibles. S’il fallait donner à l’art une finalité, elle se logerait sans doute dans cette capacité unique que possèdent certaines œuvres d’orienter nos regards vers d’autres mondes que le nôtre. Au-delà du monde que nous connaissons et qui nous est familier, l’art nous révèle d’autres territoires qui jusque-là nous étaient inconnus. «Autant il y a d’artistes originaux, autant il y a de mondes à notre disposition». C’est en gardant à l’esprit ces mots de Marcel Proust que le visiteur
est invité à découvrir cette nouvelle exposition imaginée par le FRAC Auvergne pour le Musée Mobile.
Dans cette sélection d’œuvres issues de la collection du FRAC Auvergne, la voix de chaque artiste ouvre de nouveaux horizons et, en sondant plus particulièrement notre relation à l’autre, chacune de ces voix repousse plus loin les limites de notre monde connu, celui de nos pensées, de nos habitudes, de nos représentations. Qu’avons-nous en commun avec Maria, cette mère gitane, cheffe de sa communauté en Espagne, ou avec cette autre mère aux Pays-Bas qui accepte d’être photographiée sitôt après son accouchement ? Que connaissons-nous des rêves que forment ces deux jeunes nord-irlandais incarnant la première génération à ne pas avoir connu «Les Troubles» ou des espoirs de ces hommes et ces femmes qui se réunissent, à Kigali ou à Los Angeles, pour chanter dans une église ou danser dans des parkings quand le monde autour d’eux ne tient plus ? Probablement pas grand chose. Même si nous pouvons reconnaître dans un geste ou un regard les traces d’une émotion familière, ces histoires ne sont pas les nôtres, ces mondes nous sont souvent étrangers, comme peuvent l’être les univers du réalisateur David Lynch, dont la gravure exposée livre une étreinte des plus ambiguës.
En nous mettant en présence d’autres façons de vivre ou de regarder le monde, chacune de ces œuvres augmente indéniablement notre monde intime, le rend plus intense et plus sensible. Les œuvres d’art teintent notre réalité de subtiles nuances, de tonalités inattendues, et c’est sans doute là que se loge leur singularité indépassable.

Laure Forlay
Chargée des publics au FRAC Auvergne
Commissaire de l’exposition

 

AUTOUR DE L’EXPOSITION :

Retrouvez ci-dessous un lien pour accéder à Crée ton MuMo :
http://creetonmumo.musee-mobile.fr/fr/fracs/en-auvergne/
login : MuMo_Auvergne
mdp : autresmondes2022

Crée ton MuMo est un outil de médiation numérique pour jouer au commissaire d’exposition avec les élèves. Découvrez l’espace du MuMo imaginé par la designer matali crasset et créez une exposition virtuelle en sélectionnant des œuvres de la collection du FRAC Auvergne.

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