Pierre-Olivier ARNAUD
Né en France en 1972 - Vit en France
Pierre-Olivier Arnaud mène sur le statut de l’image un travail dont les fondements conceptuels sont à la mesure de la sensibilité poétique émanant d’œuvres qui obéissent toujours au même protocole : une image photographiée ou trouvée est retouchée de façon à en amoindrir les qualités plastiques, à en soustraire les aspects spectaculaires. L’image est, pourrait-on dire, délavée, réduite à des valeurs de gris (le noir et le blanc sont exclus), parfois tirée en négatif. Les œuvres sont produites en cent sérigraphies destinées à être collées au mur telles des papiers peints. Ce protocole inclut une disparition programmée de l’œuvre dans le temps : chaque présentation doit être consignée dans un registre et, lorsque sera atteinte la centième présentation, son existence prendra fin. Pourtant, ces images dévaluées (dans leur forme comme dans le temps qui leur est imparti), qu’elles soient des vues de cieux marqués par le passage d’avions, des fleurs, des feux d’artifices, ou de maigres détails sur des dégradés de gris, opèrent chez le spectateur un travail autant esthétique que mémoriel. Il se passe dans ces œuvres quelque chose d’assez analogue aux dernières images du film L’Éclipse réalisé en 1962 par Michelangelo Antonioni (cinéaste de référence pour l’artiste). Avec ces images simples et sublimes, qui adviennent alors que l’histoire est terminée, nous assistons à une succession de situations optiques et sonores pures qui imprègnent la séquence finale du film d’une temporalité suspendue, au sein de laquelle finissent par se confondre le temps d’une réalité humaine et celui, astronomique, de l’éclipse qui survient à la toute fin. C’est dans cette zone indicible que réside ce qui va travailler longuement dans la mémoire du spectateur. De la même façon, les images de Pierre-Olivier Arnaud n’en deviennent que plus puissantes, aptes à agir comme des filtres polarisants sur le réel : ses images grises s’épanchent littéralement dans la mémoire de ceux qui les regardent, en ravivant le souvenir d’images déjà vues, en se constituant possiblement en matrices pour des souvenirs futurs selon un processus mémoriel résolument proustien.
Jean-Charles Vergne