George CONDO

Né aux Etats-Unis en 1957 – Vit aux Etats-Unis

Née d’un dialogue nourri entre l’histoire de l’art et la culture populaire, la peinture de George Condo croise une multitude d’influences canoniques. De Velázquez à Picasso en passant par Goya, Ingres, Manet, Cézanne, Matisse et Duchamp, des expressionnistes abstraits américains à la caricature et la bande dessinée, la peinture de George Condo multiplie les références, les citations, parfois irrévérencieuses, s’appropriant l’histoire de l’art, jouant sur un détournement hybride, souvent humoristique, des maîtres du passé pour procéder à la fusion de leurs styles. Affirmation d’une profonde jubilation à peindre, les œuvres de George Condo s’inscrivent dans un questionnement intelligent de l’emploi et du contre-emploi de la virtuosité qui est indéniablement la sienne. Collage Expanded Composition Combination appartient à une série réalisée au début des années 90 dans laquelle George Condo procède par assemblages d’éléments a priori disparates, une partie importante du corpus de cette période étant constitué de polyptyques composés en juxtaposant et liant entre elles plusieurs peintures exécutées séparément. Collage Expanded Composition Combination est, comme son titre l’indique, une composition fondée sur la combinaison et le collage de trois éléments : une grande peinture – partie principale de l’œuvre – qui utilise des techniques diverses (huile, crayon, stylo, collage…), une seconde partie peinte à l’huile sur toile, de manière plus traditionnelle, et un troisième élément longitudinal, blanc monochrome, dont la fonction première semble être de permettre la jonction des deux premiers tableaux entre eux.

Le sujet de l’œuvre est celui de la perte progressive de l’aura artistique européenne à l’issue de la deuxième Guerre Mondiale au profit des Etats-Unis. Les raisons qui prédestinent, dès le début des années 50, à la mise en œuvre du vaste mouvement d’internationalisation de la culture américaine sont liés, en grande partie, à la situation politique de l’époque, aux besoins idéologiques de la classe dominante et à la volonté de lutter contre le communisme. Dans ce contexte, et dans une perspective plus spécifiquement liée à l’art, son marché et l’identité culturelle nationale qu’il peut potentiellement véhiculer, les nombreux artistes et intellectuels européens exilés aux Etats-Unis offrent un formidable et fertile terreau d’inspiration aux artistes américains. Cet épisode est le cœur de l’œuvre de George Condo. Elle représente ironiquement l’attaque d’une diligence – la culture européenne – par les indiens qui ici représentent cyniquement les Etats-Unis, dans un malicieux retournement historique où les sauvages ne sont pas ceux que l’on croit. Picasso et Duchamp y sont allègrement pillés dans un innommable et jouissif capharnaüm : emprunts directs à Guernica, à la Roue de bicyclette, et citations multiples des deux artistes semblent ainsi marquer la phagocytose par les artistes américains des deux créateurs européens les plus remarquables de la première moitié du 20ème siècle. Le collage ainsi obtenu sur la partie gauche de l’œuvre évoque les cartes des Etats-Unis peintes par Jasper Johns quelques décennies auparavant, marquant la prise de pouvoir progressive de l’expressionnisme abstrait, de l’action painting et d’un monumentalisme d’œuvres désormais destinées à un marché planétaire. A droite, un bric-à-brac constitue le butin : bouteille de vin artificiellement vieillie au four à micro-ondes, pièces d’or, or noir, nature morte peut-être empruntée à Cézanne, ouvrages de littérature et autres objets de pacotilles deviennent une barricade derrière laquelle se cachent les indiens armés et déclarent la mise à sac du vieux continent.

 

Jean-Charles Vergne