Marc COUTURIER

Né en France en 1946 - Vit en France

« Son travail puise en quelque sorte dans le monde invisible des choses et tente de révéler au regard et au mental de chacun ce qu’au fond tout le monde voit et ressent ». Telle était présentée la démarche de Marc Couturier dans le catalogue de la fameuse exposition, Les Magiciens de la Terre, organisée par Jean-Hubert Martin en 1989. Entre visible et invisible, l’art de cet artiste nous révèle en effet du monde une dimension d’autant plus inattendue qu’elle procède de la mise en évidence d’une situation qui nous est donnée mais que l’on ne voit pas nécessairement. Il faut dire que, pour ce faire, Marc Couturier n’est économe d’aucun paradoxe : ici, il recourt à des pratiques dessinées laborieuses qui n’en finissent pas d’inscrire l’espace ; là, il redresse toutes sortes d’objets trouvés leur empruntant les images formées dans leur matérialité même ; là encore, il place en lévitation dans le mur tant de sublimes lames dorées que de triviales lignes de pierres plates. Jadis, l’art de Couturier exploitait l’opalescence de plaques de pain azyme pour constituer de curieuses rosaces au travers desquelles la lumière cherchait un passage. Hier, il recouvrait l’ensemble des parties vitrées d’un centre d’art à l’aide d’un film sérigraphié à l’image agrandie et multipliée d’une feuille d’aucuba, puis celle d’une petite serre de jardin pour le transformer en un milieu de retrait, proche de la cellule.
L’art de Marc Couturier est requis par l’immatérialité et le suspens, voire le sidérant, et la façon qu’il a de s’inventer chaque fois de nouvelles situations le dispute à la réalité d’une donnée matérielle avec laquelle il lui plaît de composer. Si les matériaux dont il exploite les qualités plastiques sont volontiers rudimentaires, sinon élémentaires, c’est pour mieux en faire éclater la force magique. Quoi de plus commun que ces lauzes, pierres plates ordinairement utilisées dans la construction, soit comme dalles, soit comme tuiles ?
A l’instar de ces lames recouvertes de feuilles d’or qu’il fiche au mur et dont les jeux de reflets les font paraître telles quelles comme des objets incongrus, proprement sublimes, Marc Couturier use de ces lauzes pour les établir dans une semblable configuration. Placées un peu plus qu’à hauteur d’homme, sans que leur alignement ne dessine aucune forme, ni ne constitue aucun dispositif précis, elles gagent une troublante légèreté. Paradoxalement, le « redressement » se fait ici à l’horizontale et l’œuvre est forte d’une tension qui sous-tend le mur sur lequel elle est installée. Parce que rien n’est laissé à voir de la mise en œuvre technique, il y va de l’idée d’une lévitation dans cette qualité de suspens qui caractérise chaque geste de l’artiste et qui « crée, comme l’a justement remarqué Bernard Goy, les conditions d’un exercice spirituel d’où tout labeur est absent, visant à restaurer le regard dans une conscience de soi, légère comme une ruse de l’âme ».

Philippe Piguet