Philippe DURAND

Né en France en 1963 - Vit en France

Philippe Durand fut le second lauréat du Concours de photographie de la grotte Chauvet et reçut l’autorisation d’y descendre quatre fois, quelques heures, pour effectuer des prises de vues du site et des peintures faites sur les parois il y a plus de 35 000 ans. Il aura été le dernier artiste à obtenir ce privilège, la grotte étant désormais réservée aux scientifiques pour préserver l’écosystème de cet environnement. Jean Clottes, l’éminent spécialiste de l’art paléolithique qui dirigea les études de la grotte, confiait avoir fondu en larmes en découvrant les fresques lors de sa première visite1. Philippe Durand a utilisé une technique mêlant le relief à la photographie2 mais, pourtant, malgré le réalisme de cette image en bas-relief, on ne peut saisir l’expérience vécue. Qu’a-t-il éprouvé de cette expérience de beauté première, excavée du temps, suffocante de puissance ? Rien ne saurait le dire. Cette photographie d’un lieu où nous n’irons jamais est un promontoire pour le songe. Nous voudrions toucher l’image, comme les hommes et les femmes de Chauvet ressentirent le besoin d’imprimer leurs mains sur les parois. Dans la première salle de la grotte figurent les énigmatiques points-paumes : quatre-vingt-dix-huit points appliqués par la paume d’une seule main enduite de pigment rouge dont les doigts ont été relevés. Il aura fallu attendre plus de 35 000 ans pour que la lumière se pose sur ces murs, pour que nos yeux voient le ventre de pierre à l’intérieur duquel hommes, femmes et bêtes frayaient dans les anfractuosités sombres. Il aura fallu des millénaires avant que se dévoile ce site majeur de l’histoire de l’humanité, là où les ours hibernaient et griffaient les fresques déposées par les hommes dans une obscurité totale incisée par les torches. Des millénaires pour mettre des mots sur ces gestes d’avant les mots. Mais avant les mots, ce furent d’abord des larmes et l’excès de beauté devant ce qui se trouvait là, impensable, scellé par une capsule de temps. Jusqu’à ce que la possibilité soit donnée de voir, d’être touché, d’admettre l’impossibilité à embrasser cette totalité primitive.

 

Jean-Charles Vergne

1– Elle fut « inventée », selon l’expression consacrée (une grotte découverte est « inventée »), le 18 décembre 1994 par Jean-Marie Chauvet, Éliette Brunel et Christian Hillaire.
2– Il s’agit de la technologie Starereap, plus communément appelée « 2,5 D », permettant de combiner impression couleur et volume. Ce procédé a été développé par la compagnie d’imagerie Ricoh dans le cadre de la commande IMAGE 3.0 initiée par le Cnap.