Anthony PLASSE

Né en 1987 en France. Vit à Clermont-Ferrand et Paris, France.

Diplômé en 2015, il a étudié à l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole et à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon. Il comptait parmi les lauréats 2020 de la Cité Internationale des Arts, Paris. À la fin de ses études, en 2015, Anthony Plasse a pris part à l’International Festival of Art and Design schools de Turin. À dessein d’apprendre sur le phénomène de la rémanence lumineuse il ira en 2016 – dans le cadre de la SÍM Residency à Reykjavik – en Islande à la rencontre d’un astrophysicien spécialisé dans ce domaine. Il présentera ses recherches entre 2016 et 2017 à quatre reprises à Reykjavik à MENGI, la SÍM Residency et la Korpúlfsstaðir Residency. Depuis lors, son travail a été présenté au Shortcutz festival de Porto en 2018, en décembre de la même année à Cloud City, Brooklyn, ainsi que dans des expositions collectives comme le rayon vert – furtif et elliptique, curaté par Henri Guette dans un appartement privé de Saint-Ouen, entre deux occupations, mais aussi à la 69ème édition de Jeune Création à la Fondation Fiminco à Romainville, 2020. Du 02 octobre 2020 au 14 février 2021 a eu lieu à la Serre à Saint-Étienne, Etats de faits, sa première exposition personnelle.
Les deux œuvres acquises proviennent du projet ambitieux développé à la Serre de Saint-Étienne, pour l’exposition Etats de faits en 2020-2021. La serre se trouve aux antipodes de la chambre noire. La première est une architecture de verre en dialogue constant avec l’extérieur, régie par l’alternance des jours et des nuits. La seconde est close, totalement obscure, seul un éclairage inactinique permet d’y évoluer. Anthony Plasse a suspendu le long des murs et des verrières de la Serre des bâches noires, toute hauteur. Le travail s’est déployé de nuit : la chambre noire protège ainsi des éclairages de la ville et la Serre l’oblige à s’en remettre aux conditions météorologiques ainsi qu’au calendrier lunaire. Depuis plusieurs années, Anthony Plasse évolue dans le noir pour dessiner, « convoquer de manière médiumnique une histoire picturale ». Il emploie des matériaux relevant de la photographie argentique : gélatine photosensible qu’il fait fondre et applique au pistolet à peinture sur de la toile.
Dans l’atelier :
Les toiles sont de grands corps souples, à l’immense format de l’architecture de la Serre et recouvrent la totalité du sol. Anthony Plasse a dû marcher sur leurs surfaces qui ont enregistré ses passages. Les toiles ont été annotées, des lignes, des repères ont été tracés. Tel un rituel, une gestuelle a été pensée, apprise, afin d’exécuter dans l’obscurité, chronologiquement, chaque étape du processus. À la lumière inactinique, il enduit les toiles au pistolet à peinture. Après séchage, il inscrit sur leurs surfaces à la mine de plomb les informations qui seront nécessaires au moment de les déployer sur le sol de la serre. De nuit, enveloppées dans un drap occultant il les a transportées de l’atelier à la serre. Arrivé sur place il calfeutre les dernières lueurs qui subsistent, dispose les toiles sur le sol aux endroits définis.
A la Serre :
Seul le sol est resté un support rigide pouvant servir d’appui aux toiles. Les parterres qui le composent sont des ouvertures géométriques dans le marbre donnant sur la terre (d’où poussent des plantes gigantesques), trois ronds, dont un plus grand est coupé en son centre, comme un D. Ils sont à l’origine des formes principales visibles sur les toiles. Couchées, surface sensible vers le haut au côté des plantes, découpées et pliées sur elles-mêmes afin d’épouser parfaitement les lignes des margelles, les toiles font corps avec l’espace. Alors qu’elles se trouvent dans cette position, Anthony Plasse fait intervenir la lumière d’un flash d’appareil photographique.
De retour à l’atelier :
Au développement – bains de chimie traditionnels, révélateur/arrêt/fixateur – est apparue une forme noire correspondant à la partie ayant été au contact direct de la lumière. Le rayonnement a traversé avec plus ou moins d’intensité les différentes strates des pliures, laissant ainsi la surface restante en réserve. C’est en cette zone négative, restée dans l’obscurité qu’après révélation a été visible la mémoire latente de ce qui s’est joué et a laissé trace tout au long du processus.
Montées sur châssis pour devenir œuvres :
Bien que redevenues planes sur le châssis leur matérialité est rendue visible, par transparence on voit leurs mailles, les fils, les accrocs, les découpes. Leurs dos comportant en surépaisseur les rajouts de tissu nécessaires au recollage apparaissent en ombre, les sutures du passage de la surface pliée à sa mise à plat deviennent motif. Ce qui s’est passé est lisible, elles sont des empreintes, témoignent, portent et donnent simplement à voir leur processus de création.
Anthony Plasse se situe à la frontière de la peinture et de la photographie. Selon Martial Déflacieux, « le repère chronologique se situerait quelque part entre la fin de la peinture académique, l’apparition des avant-gardes historiques et le début de la photographie ». La peinture photographique est un processus unique.

Aurélie Voltz

 

L’image s’est formée la nuit, dans l’espace d’exposition plongé dans l’obscurité totale1. Flashée à l’aveugle sur une toile enduite de gélatine photosensible pulvérisée au spray, l’image s’est révélée lors de son développement en lumière inactinique avant d’être tendue sur châssis. Que voit-on ? Ou, plutôt, qu’est-ce qu’a bien pu voir Anthony Plasse en réalisant cette œuvre, à tâtons dans le noir, en ayant appris les gestes à exécuter pour la déployer au sol selon un protocole précis ? La toile libre a été pliée, emballée dans un tissu occultant pour la protéger de la lumière, disposée au sol du lieu d’exposition en épousant les saillies architecturales dont les formes détermineront l’apparition des motifs après que le flash en ait sensibilisé la surface. L’artiste n’a rien vu, sinon la projection imaginée d’un résultat final, sinon le coup de flash pulsé sur la toile positionnée dans le noir. Le résultat n’apparaîtra que plus tard, dans le laboratoire de développement photographique, lorsque le bain révélateur dévoilera les zones sombres sur toutes les zones frappées par la lumière. Tendue sur un châssis et redressée au mur, la « peinture photographique » s’offre au spectateur qui, dans un mouvement opposé à celui de l’artiste, ne parvient pas à faire à rebours le chemin de son élaboration. Tout est donné en négatif : redressée à la verticale, exposée dans un autre lieu que celui qui la fit naître, elle rend compte de la manière dont la lumière l’aura baignée, non pas dans l’éclat mais dans l’assombrissement.

Jean-Charles Vergne

1– Dans l’espace de La Serre, à Saint-Étienne, à l’occasion de l’exposition États de faits en 2020.