Ger VAN ELK

Né aux Pays-Bas en 1941 – Décédé en 2014

Historic Camping Sculpture met en scène les relations entretenues par tout artiste avec ses prédécesseurs des siècles antérieurs, avec l’héritage artistique dont ils sont dépositaires. Le tronc d’arbre forme un sandwich ouvert, à l’intérieur duquel sont alignées deux séries de photocopies : une série d’autoportraits de Ger Van Elk et une série de portraits et d’autoportraits couvrant cinq siècles de l’histoire de l’art, du 16ème avec Jan Van Scorel jusqu’au 20ème avec Charley Toorop, en passant par Rembrandt, Van Gogh ou encore Goya. Il y a donc une confrontation entre un autoportrait, celui de Ger Van Elk, et la tradition historique du portrait.
Il s’agit bien d’une confrontation de l’artiste avec ceux qui l’ont précédé. Avec l’appendice saillant dont il s’est doté, Ger Van Elk vide peu à peu ses homologues de leur couleur, vampirisant ses pères, ingurgitant et digérant l’héritage historique jusqu’à devenir lui-même écarlate, jusqu’à ce que les œuvres qui lui font face aient perdu toute aura. C’est donc par un processus très œdipien que Ger Van Elk commet un parricide historique et laisse derrière lui une kyrielle d’ancêtres exsangues. Ce meurtre symbolique se double d’une allusion au mensonge de Pinocchio dont le nez rouge de honte s’allonge au fil des palimpsestes et des emprunts aux œuvres du passé. Dès lors, Historic Camping Sculpture s’affirme comme mise en abîme du processus de création artistique, subtil dosage de respect et d’irrévérence pour les maîtres du passé. Ger Van Elk y met en exergue le dilemme de tout plasticien confronté à l’hésitation entre l’hommage rendu aux pères spirituels et l’incontrôlable aspiration à en phagocyter l’héritage. Par ailleurs, il laisse entrevoir l’impossibilité de toute création ex-nihilo dans une œuvre qui semble aussi dénoncer la prétendue table rase scandée par les différentes avant-gardes. Sa critique est également acerbe envers les prétendants à la postérité puisque tout ceci n’est finalement qu’une sculpture de « camping » dont la localisation historique n’est que temporaire, vacillant entre éphémère et pérennité, n’échappant peut-être pas à l’oubli ou du moins aux mutations, comme en témoigne la structure métallique laissée par Ger Van Elk aux deux extrémités des troncs et permettant d’ajouter d’autres troncs de part et d’autre.

Jean-Charles Vergne