Roland COGNET

Né en France en 1957 - Vit en France

Roland Cognet, déjà présent depuis 1992 dans la collection du FRAC Auvergne avec deux sculptures, inscrit son œuvre dans une réflexion concernant tout autant les enjeux de la sculpture contemporaine que l’enracinement des matériaux utilisés dans une temporalité et une localisation géographique. En cela il côtoie les réalisations d’autres sculpteurs comme Toni Grand, tout aussi attachés aux qualités sensibles des matériaux. En d’autres termes, il est inconcevable d’envisager les œuvres de Roland Cognet comme l’unique expression d’expérimentations formelles tant elles portent en elles la charge d’une poétique de la matière et les traces d’un romantisme totalement assumé.

L’acquisition en 2002 de la pièce intitulée Arbre Strié, dix ans après les deux premières sculptures de Roland Cognet, s’inscrit dans le choix d’une politique de la collection consistant à se doter régulièrement d’œuvres d’un même artiste afin de constituer des ensembles cohérents représentatifs de l’évolution d’une pratique et des préoccupations qui la sous-tendent. Si les deux œuvres de 1992 obéissaient à un principe de recouvrement d’une forme naturelle – un tronc d’arbre sectionné – par une peau d’acier épousant la forme de son hôte, l’œuvre de 2002 continue à recourir à la juxtaposition de deux matériaux mais cette fois en adoptant l’idée de la greffe d’une forme sur une autre. Ici, le matériau initial est toujours un tronc sectionné mais il est prolongé par l’ajout d’une forme en ciment brut ajustée à la section du bois.
Le bois, préalablement, a fait l’objet d’une intervention sous la forme de scarifications, de striures surjouant les effets nervurés du bois, donnant à voir en surexposition une caractéristique évidente du matériau. Il s’agit ici, littéralement, de creuser des sillons dans la langue sculpturale, d’appuyer au maximum un effet rétinien et tactile intrinsèque au matériau lui-même, de dévoiler en définitive un aspect stéréotypé du matériau employé.
La forme exécutée en ciment joue sur un registre semblable. Elle est, très visiblement, réalisée avec les doigts, modelée comme on travaille une pâte. Les bosselures, indicatrices du processus d’élaboration, apportent le contraste nécessaire au matériau utilisé pour créer la forme. L’appendice de ciment apparaît à la fois comme le prolongement naturel et artificiel du tronc d’arbre. Il en constitue à la fois le bourgeon, émanation organique et saisonnière, et la greffe pétrifiée, annulée, rejetée. Simultanément, ce rajout est un retour au sol. Sa forme circulaire est un raccord entre le bois coupé et scarifié et son enracinement originel dans la terre. La relation entre le ciment et le bois est de fait paradoxale et interactive.
Retour à la terre et phénomène de pétrification se confondent et génèrent, au-delà de la pure dimension sculpturale, l’idée d’une taxidermie du naturel ou, pour aller plus loin, donnent à contempler un avatar de la catastrophe écologique. Néanmoins, il faut se garder de toute interprétation littérale car Roland Cognet, dans ses œuvres, a toujours souhaité effleurer ces sujets par d’infimes analogies, le cœur de son œuvre ne se situant pas dans la mise en situation narrative d’une nature en déréliction mais bien dans le contexte d’une poétique de la forme et de ses matériaux constitutifs.

Jean-Charles Vergne