Georges ROUSSE

Né en France en 1947 – Vit en France

Georges Rousse est peintre et photographe. Mais c’est la photographie qui constitue la part émergée, visible et sociale, de sa peinture. Depuis les années 80 en effet, il travaille dans des lieux abandonnés, condamnés soit à disparaître, soit à être réaffectés, et y réalise des peintures murales selon le principe de l’anamorphose : des formes abstraites, ou dispersées dans l’espace, se transforment en une figure aisément identifiable lorsqu’elles sont vues depuis un point précis, et seulement depuis ce point. La photographie du FRAC, Tsho Rolpa, montre une carte agrandie qui semble flotter dans l’espace, comme posée sur un voile tendu. Mais ce que nous croyons être une surface plane, à deux dimensions, est en fait un ensemble de peintures murales, aux murs, au sol et au plafond, un ensemble décousu qu’un seul point de vue, celui où se place l’objectif de l’appareil photographique, assemble et unifie. C’est donc la photographie qui rend compte de la peinture, une peinture qui du fait de sa situation est nécessairement éphémère.
Cette photographie est l’image d’une peinture que nous, spectateurs, ne connaîtrons jamais : nous ne serons jamais à la place réelle de l’objectif du photographe pour faire l’expérience de la peinture originelle. Cette impossibilité d’atteindre jamais l’original (et dans un monde dominé par l’image, l’écart ne cesse de se creuser entre les originaux et leurs simulacres) Georges Rousse en rend compte dans son œuvre.
Ainsi les dernières œuvres sont elles construites à partir de souvenirs de voyages et des cartes qui ont servi au cours de ces voyages. Tsho Rolpa montre une reproduction d’une carte topographique du Népal (précisément le paysage autour du lac du même nom qui alimente les vallées Rolwaling et Tam Koshi dans le district de Dolakha), où Georges Rousse a été randonneur. « En regardant un jour l’une de ces cartes, l’idée m’est venue qu’elle était une vision verticale du paysage et que je pourrais peut-être l’utiliser pour rendre compte de la beauté monumentale de ce paysage » dit-il1. Et il reprend dans son oeuvre cet écart entre l’original (le paysage) et sa traduction (la carte) en réalisant une peinture de la carte (peinture que nous ne connaissons pas, comme le paysage) et sa reproduction (la photographie). L’usage de l’anamorphose accentue le caractère lointain, inaccessible, de l’original. Il ajoute ainsi, à propos de cette « suite » que sont cette série de cartes : « C’est l’image d’un paysage complètement abstrait, une manière d’abstraction de paysage ; c’est celle d’un endroit où je suis allé et où j’ai fait cette double expérience (physique et émotionnelle). En la récupérant comme motif d’une image cela me permet de documenter l’itinéraire que je fais, l’urbanisme des villages rencontrés, la figuration des forêts et des lacs traversés, etc. C’est pour moi une façon d’inscrire dans l’œuvre un espace méditatif, et d’adresser à l’autre une invitation au voyage »2.

Julia Garimorth

Les photographies titrées Clermont-Ferrand et Rêve ont été réalisées par Georges Rousse dans les nouveaux locaux du FRAC Auvergne avant que ceux-ci ne soient mis en chantier, en octobre 2008. (ndlr)

1 Georges Rousse dans un entretien avec Philippe Piguet. Dans : Catalogue d’exposition « Georges Rousse », Musées de Châteauroux, Les Cordeliers, 2004, p.26, 27

2 Idem