Loredana SPERINI
Née en Italie en 1970 - Vit en Suisse
Les sculptures de Loredana Sperini concernent la représentation du corps. Sur l’une d’entre elles, une main moulée en cire se trouve plaquée, menacée d’écrasement par un élément dont la forme évoque celle d’un cristal mais dont la matière est celle du ciment. Loredana Sperini joue toujours dans ses œuvres d’un rapport de fragilité entre des matériaux a priori contradictoires dans leurs capacités de résistance (ici, le ciment et la cire) pour affirmer la fragilité d’un corps soumis à la détérioration et à l’inéluctable disparition. À l’apparente indestructibilité du ciment, à son opacité, à sa rugosité, s’oppose ainsi la grande fragilité de la cire, sa translucidité, sa surface lisse, dans une juxtaposition au baroque et à la dramaturgie assumés. Ces deux matériaux jouent l’un avec l’autre dans leurs capacités différentes à absorber et à réfléchir la lumière, ouvrant ainsi la possibilité d’œuvres particulièrement sensibles aux variations lumineuses environnantes.
Concomitamment à ses sculptures, Loredana Sperini réalise de petites peintures sur ciment, exécutées à partir d’un mélange de cire et de pigments. Ce mélange renoue avec une tradition ancestrale de la peinture à l’encaustique et compose une abstraction autant qu’il renvoie à la fragilité de la surface, incrustée dans son support, littéralement sensible à la lumière dont l’incidence importe beaucoup dans la perception de ces œuvres. Comme dans ses sculptures, le corps est évoqué implicitement : la technique à l’encaustique et le format de ces œuvres – dont les dimensions évoquent celles d’une tête – entretiennent une possible analogie avec les célèbres portraits funéraires égyptiens du Fayoum (peints entre le Ier et le IVe siècle ap. J.-C.), cette correspondance avec la dimension corporelle ne pouvant être que confirmée par l’anthropomorphisme primitif de certaines sculptures de l’artiste, à l’image de la seconde sculpture acquise par la collection du FRAC Auvergne, petit totem anthropomorphe, dont les aboutements de cire et de ciment, les délicates gouttelettes et l’aspect précaire demeurent cohérents avec le rapport matériologique et les analogies au corps que l’artiste italienne ne cesse d’exprimer.
Jean-Charles Vergne