Pierre GONNORD

Né en France en 1963 – Décédé en 2024.

Les œuvres de Pierre Gonnord entretiennent une relation visible avec les peintres espagnols du passé (Zurbarán, Vélasquez, Murillo ou Ribera), chargeant les visages d’une étonnante présence qui les relie autant à l’histoire qu’elle les propulse dans un futur qui leur accordera une valeur artistique puissante. Lorsque nous regardons Maria, cette gitane en majesté photographiée par Pierre Gonnord, nous ne contemplons pas une femme que nous ne connaîtrons jamais, mais la survivance de formes picturales pluriséculaires inscrites dans une équivalence avec les portraits classiques conservés au Prado ou au Louvre… Comme le précise Pierre Gonnord, « bien que mes personnages appartiennent à des communautés ou des groupes sociaux parfaitement définis et identifiables, je ne veux jamais qu’ils perdent leur essence individuelle. Les personnes que je choisis m’intéressent pour leur individualité, leur force morale, leur charisme, leur sensibilité. Genre, âge, traits psychologiques, caractéristiques physiques, degrés de parenté éventuels, sont des paramètres qui guident également mes choix. Avec leurs visages je sonde ma propre humanité, que je retrouve révélée soudain par eux. Toutes les personnes que je photographie ont une foi très ancrée dans leur histoire et sont fortes de leur identité. Je sens leurs yeux sur moi, avec force et intimité, timidité quelques fois, dans une distance respectueuse que j’essaie de restituer dans mes images. Je vois sur leurs visages les traces du temps, les marques des générations précédentes. Je suis confronté à l’autre, mais je parle de nous tous. »

Sur une proposition du FRAC Auvergne, l’ASM a souhaité confier à Pierre Gonnord une carte blanche en 2016, lui offrant la possibilité de poursuivre d’une façon inédite le vaste travail de portraits photographiques qui constitue le cœur de son œuvre. Cette opportunité s’est présentée au moment où l’artiste avait entrepris de mener un projet consacré à la force physique, non pas dans une mise en scène des corps en action ni dans une sublimation de leurs capacités inouïes, mais dans celle de visages capturés quelques instants après l’effort – séance d’entraînement intense ou match contre une équipe adverse. Les portraits de joueurs de rugby de l’ASM sont les visages de sportifs de haut niveau d’aujourd’hui mais ils se destinent à évoluer vers tout autre chose dans le futur, où ils ne seront plus vus comme des joueurs de rugby, mais comme des œuvres d’art à part entière. « Ce projet fut un défi puisqu’il s’agit d’une commande. J’ai toujours choisi des groupes humains situés dans des sphères plus cachées de notre société, isolées même, et bien souvent hermétiques. Dans un concept diamétralement opposé, ces grands athlètes sont soumis à une discipline, une ascèse vitale et à une vie en communauté à laquelle le public n’a pas accès. C’est justement cet isolement secret, cette solitude même du soldat au milieu de son armée qui a rendu ce projet motivant. J’ai pu les rencontrer en fin de matchs, de batailles et d’entraînements. Un homme seul et unique face à mon regard, dans sa fatigue, dans l’intimité d’une petite salle adjacente aux vestiaires. Et c’est ce regard, parfois fier, parfois serein et quelques fois perdu que j’ai décidé de montrer au public. » Pierre Gonnord (« Tête à tête », entretien avec Jean-Charles Vergne, in Pierre Gonnord, Clermont-Ferrand, FRAC Auvergne, 2016).