Sandra VÁSQUEZ DE LA HORRA
Née au Chili en 1967 - Vit en Allemagne
Les œuvres de Sandra Vásquez de la Horra sont profondément enracinées dans la culture d’Amérique Latine et dans l’histoire de son Chili natal. Les traditions et les mythes, le folklore et la superstition, l’importance partout palpable du catholicisme, fusionnent ainsi avec les faits les plus marquants de son histoire personnelle – ses souvenirs d’enfance, les peurs primales, la sexualité, mais aussi les réalités sociales ou l’ancienne dictature de Pinochet. Une fois terminés, ses dessins au crayon sont plongés dans un bain de cire d’abeille fondue : ils n’en apparaissent que plus vieillis, jaunis par le temps, dotés d’une fragilité et d’une délicatesse supplémentaires tout en étant protégés par une couche de paraffine qui les préserve de la lumière. Le spectateur est happé dans un univers peuplé de figures fantastiques taraudées par des préoccupations charnelles et psychologiques, de créatures inquiétantes et hybrides, de représentations religieuses traditionnelles, où la femme occupe une place prépondérante, qu’elle soit envisagée sous l’angle de la maternité, de la sainte, de la femme fatale ou de la sorcière. Parfois, l’artiste se représentent elle-même dans ses dessins, comme c’est le cas pour Amor y la Peste et pour La donna é Mobile. Les dessins de Sandra Vásquez de la Horra abordent – sur un mode métaphorique – les thèmes de la transformation, de la mutation, du désir, de la luxure, de l’enfantement, de l’emprise, dans une dualité omniprésente entre la vie et la mort, dans un style dont la naïveté trouve ses origines dans l’imagerie précolombienne.
El Sueño de Salomón («Le songe de Salomon») est sans doute la maison la plus complexe que l’artiste ait réalisée. Comme la plupart des œuvres de Sandra Vásquez de la Horra, il s’agit d’une pièce autobiographique dans laquelle se croisent les notions de maison comme corps et comme allégorie de l’intériorité (la maison abrite un cerveau, visible en arrière plan sur les deux faces). Les deux femmes représentées sur l’une des faces sont l’artiste et sa sœur Clara, dans une référence explicite à la célèbre peinture du XVIe siècle représentant Gabrielle d’Estrée et sa sœur. Sur l’autre face, une femme dirige une marionnette figurant un bébé, dans une double évocation symbolique à la maternité, à l’inconscient mais aussi à la mort. Les deux faces situées aux extrémités de l’œuvre sont quant à elles identifiées par l’artiste comme les représentations des terrasses des jardins de Babylone. Le titre de l’œuvre renvoie au passage biblique relatant le rêve du roi Salomon, troisième roi d’Israël, au cours duquel Dieu lui apparaît et lui offre la sagesse. La thèse freudienne qui a fondé la psychanalyse est de voir dans le rêve l’expression des désirs profonds de l’individu, les désirs qu’il ne peut pas formuler consciemment. Et ce rêve de Salomon porte expressément sur le désir, puisque le rêve s’ouvre sur cette proposition de Dieu : « Demande-moi quelque chose et je te le donnerai ! », en d’autres termes : « Que désires-tu, je te le donnerai ! » Le songe de Salomon agit comme un révélateur de son désir. El Fuego de las Entrañas («Le feu des entrailles»), La donna é Mobile («La femme est mobile»), Amor y la Peste («L’amour et la mort») ainsi que les cinq autres dessins appartenant au Centre National des Arts Plastiques, récemment confiés au FRAC Auvergne, complètent cette œuvre majeure autour des grands thèmes de prédilection de l’artiste chilienne – maternité, féminité, mortalité – les deux derniers dessins étant des autoportraits.
Jean-Charles Vergne