Rencontre entre les collections du FRAC Auvergne et du musée Crozatier
Cette exposition, conçue sous la forme d’un dialogue entre les œuvres conservées par le Musée Crozatier et les œuvres contemporaines de la collection du FRAC Auvergne, se fonde autant sur la grande tradition du memento mori que sur la volonté d’établir des liens entre ce que nous voyons, ce que nous relions, ce que nous oublions. Deux parcours sont ainsi juxtaposés.
Le premier se déroule le long des salles d’exposition permanente du musée, par une série de dialogues entre les œuvres des deux collections. Le propos est multiple et s’attache autant à la mise en perspective de connexions entre les ouvres issues d’époques éloignées qu’à la tentation de la friction inattendue. Certains rapprochements montrent l’héritage dont sont redevables les artistes d’aujourd’hui par la façon dont ils perpétuent les grands genres artistiques du passé. D’autres dialogues s’établissent au contraire sur un besoin de confrontation, de contrastes volontairement appuyés.
Le second parcours occupe la salle d’exposition temporaire en établissant un dialogue entre les œuvres de la collection du FRAC et des œuvres du musée spécialement sorties des réserves du musée, pour certaines invisibles au public depuis longtemps, réactivant ainsi le souvenir de ces créations et objets parfois oubliés. Dans cette salle, les origines du memento mori donnent l’impulsion à l’élargissement du genre vers d’autres formes de représentations : souvenirs intimes, événements historiques tragiques, fragilité des corps, relation à la culpabilité et à la victimisation, beauté de l’éphémère, fascination mêlée de révulsion pour ce qui, après nous, demeurera de nous…
David Lynch - Man Waking From Dream
Pour leur nouvelle collaboration, le FRAC Auvergne et le Centre Culturel Le Bief sont heureux de s’associer pour présenter cette exposition consacrée à David Lynch, réunissant dix oeuvres dont une partie a été acquise par la collection du FRAC en 2012 suite à l’exposition Man Waking From Dream que notre institution avait consacrée à cet immense artiste américain.
C’est en 2007, à l’occasion de sa grande exposition à la Fondation Cartier à Paris, que David Lynch a commencé à travailler sur pierres lithographiques. Depuis, près de 150 lithographies ont été réalisées à l’imprimerie d’art Idem, où il vient chaque année passer quelques semaines pour travailler dans des conditions qui lui permettent de trouver une complémentarité au travail cinématographique.
Si les longs-métrages de David Lynch ont régulièrement rendu hommage à des films majeurs de l’histoire du cinéma (Sunset Boulevard de Billy Wilder, Vertigo d’Alfred Hitchcock, 8 1/2 de Federico Fellini, les films de Jacques Tati…), son oeuvre graphique procède d’hommages récurrents aux figures de l’histoire de l’art qui ont marqué son parcours depuis ses études à la Pennsylvania Academy of Fine Arts de Philadelphie. Francis Bacon, Edward Hopper, Le Caravage sont quelques-uns des peintres dont les influences sont manifestes dans un art que David Lynch pratique sous toutes ses formes depuis plus de quarante ans. Peinture, dessin, gravure, design, son, photographie, sont en effet les modes de créations qui accompagnent sa vie, lui offrant la possibilité de créer d’une manière plus directe, plus spontanée, plus intuitive, sans en passer nécessairement par l’emploi des moyens technologiques complexes qui sont ceux du cinéma.
Cet autre aspect de sa création permet d’aborder différemment cette oeuvre unique, ce monde que l’on qualifie désormais de « lynchien », tant l’artiste américain est parvenu à élaborer un univers sans pareil. La dizaine de gravures et dessin réunis dans cette exposition permettent de découvrir sur un autre mode, avec un langage différent, les principaux thèmes que David Lynch a toujours traités dans ses films.
MARC BAUER - L'ÉTAT DE LA MER (Lame de fond, 2011-2020)
Les œuvres de Marc Bauer procèdent d’une archéologie, elles creusent dans le passé et font remonter à la surface du temps les restes froids des tragédies anciennes pour les accommoder avec les fêlures du présent. Ses dessins, souvent scandés par la présence de textes lapidaires, parfois violents, en appellent à une poétique singulière, mélancolique autant que vénéneuse.
Cette exposition est la troisième de l’artiste au FRAC Auvergne et clôt un cycle débuté il y a une douzaine d’années. En 2009, l’exposition Laque et le livre Steel concernaient la question du pouvoir. En 2014, Cinerama et le livre The Architect poursuivaient la réflexion sur la question de l’interprétation des événements historiques. Avec L’État de la mer et le livre White Violence, la perspective historique est résolument plus frontale car plus actuelle, tournée vers la violence de la tragédie migratoire dont nous sommes les témoins.
Le point de départ de ce projet fut une image parue le 12 juin 2018 dans le quotidien Le Parisien. Elle montrait le navire Aquarius sauvant des migrants des eaux de la mer Méditerranée. À partir de ce document, Marc Bauer entreprend des recherches approfondies, parcourant l’histoire de l’art en quête de naufrages et de drames maritimes, établissant des liens entre l’autrefois et le maintenant pour pointer la violence contemporaine en la soulignant par ses précédents historiques. De l’art égyptien aux ex-voto, de l’antiquité grecque au scandale de la Méduse peint par Géricault, des gravures de négriers aux images de déportés juifs, du traitement des migrants vendus tels des esclaves en Libye jusqu’aux déclarations de l’ex-ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini, il s’agit de viser le présent, notre présent. Comme le précise l’artiste à propos de la crise migratoire, «le traitement médiatique de ces drames met principalement l’accent sur le nombre de morts, de disparus ou de rescapés mais rarement sur le destin individuel de ces personnes. L’information est traitée d’un point de vue très euro-centré, blanc, avec tous les préjugés raciaux que suppose une telle vision. Je pense aussi que chacun de nous ressent un certain malaise face à ces images, car à les voir, on sent bien que ce qui nous place du « bon côté », c’est-à-dire celui des privilégiés, est purement le fruit du hasard.»